Déjà sinistrés par l’envolée du coût des matériaux et la hausse des taux des crédits immobiliers, les professionnels de la maison individuelle voit dans la fin du PTZ un véritable coup de de grâce. Mais l’Etat a-t-il le choix?
Sauf improbable revirement, le prêt à taux zéro (PTZ) ne pourra bientôt plus être utilisé pour financer la construction de maisons neuves. Une décision qui a véritablement estomaqué les constructeurs de pavillons qui, dans un communiqué, n’ont pas mâché leurs mots pour dire tout le mal qu’ils pensaient de cette décision.
« Le gouvernement par ces annonces souhaite la mort du secteur de la construction neuve et des milliers d’entreprises qui au quotidien participent à la création de lieux de vie pour nos concitoyens! La casse sociale sera d’envergure », peut-on lire dans le communiqué de la Fédération Française des Constructeurs de maisons pour qui, désormais, « la maison individuelle neuve est réservée aux plus riches, à une élite alors que 84% des Français souhaitent acquérir une maison avec un petit jardin », insistent ces professionnels.
Il est vrai que, pour ces professionnels du bâtiment, il va devenir compliqué de répondre à ce rêve de la grande majorité des Français. D’autant que leur activité économique a déjà connu un revers l’an passé. Ils ont eu à faire face à un plongeon des ventes de maisons neuves, passées sous la barre symbolique des 100.000, soit presqu’un tiers de moins qu’en 2021. Et cette tendance s’accentue encore cette année.
Le prix moyen d’une maison neuve s’approche des 200.000 euros
Leur activité, longtemps prospère, été affectée à la fois par le renchérissement des matières premières et le relèvement des taux d’emprunts. De fait, le prix des matériaux s’étant envolé l’année dernière, le prix de vente des maisons neuves a été revu à la hausse. En deux années, il est, selon la Fédération française du bâtiment, passé en moyenne de 176.000 à quasiment 200.000 euros. Et cette hausse de 13% s’est conjugée à la hausse brutale des taux d’intérêt. Pour un nombre grandissant de Français, se faire construire une maison est devenu financièrement inabordable.
La suppression annoncée du PTZ est donc vécue comme le coup de grâce. Car ce coup de pouce de l’Etat permet de réduire le niveau des mensualités à payer. Son montant moyen, pour l’achat d’un pavillon neuf, atteignait l’an passé 48.000 euros, soit un quart du prix moyen d’une maison.
Les deux tiers des PTZ dans le neuf
Quand les taux étaient bas, l’économie générée par le PTZ jouait un rôle négligeable dans le financement d’un projet immobilier, mais avec un taux à 4%, le coût du crédit pour un emprunt sur 20 ans de cette somme va se traduire par un remboursement de près de 80.000 euros. Ces 30.000 euros de plus à rembourser, combien de foyers privés du PTZ pourront se permettre de le financer?
Sans doute très peu, car le profil financier de ces emprunteurs les range déjà dans une catégorie auxquelles les banques rechignent aujourd’hui à prêter. Or ils sont nombreux. En 2022, près de 33.000 maisons individuelles neuves ont été acquises grâce à l’octroi d’un PTZ. Cela représentait les deux tiers des acquisitions de logements neufs ayant bénéficie de ce coup de pouce financier de l’Etat. Et, surtout, pour les constructeurs ce sont autant de projets qui ne sont plus finançables.
La multiplication des pavillons contraire aux ambitions écologiques de la France
Mais si on comprend la colère d’une profession qui voit potentiellement disparaître un tiers de ses clients, il faut aussi se pencher sur la logique qui a conduit à prendre cette décision. A commencer par le coût pour l’Etat, promis à gonfler démesurément. Car plus les taux des crédits remontent plus le prêt à taux zéro lui coûte cher, puisqu’il assume la différence.
Mais il y a aussi le fait que la maison individuelle ne présente pas le profil de la construction idéale pour réduire les émissions de CO2 et faire face au dérèglement climatique. Sa multiplication favorise l’artificialisation des sols et les propriétaires de maisons situées en périphérie des villes sont –souvent- obligés d’acheter deux voitures qu’ils utilisent davantage qu’ils ne le feraient s’ils vivaient dans un appartement desservi par les transports en commun. Autant d’arguments qui peuvent justifier que l’Etat cesse d’en subventionner le développement.
https://twitter.com/PierreKupferman Pierre Kupferman Rédacteur en chef BFM Éco